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Interview Guy Dougoué

Découverte du métier : Chef de projets ESG

LE BÂRA DES KÔRÔS

5/7/20258 min read

Parcours et vocation

Bonjour Guy, merci de nous accorder cet entretien. Pour commencer, pouvez-vous nous parler de votre parcours académique ? Qu’est-ce qui vous a orienté vers la finance durable et l’ESG ?

Bonjour et merci de me recevoir dans le cadre de cette interview.

Concernant mon parcours, après le BAC C obtenu au Lycée Moderne 1 d’Abobo, j’ai intégré les classes préparatoires technologiques (MP/MPSI) au sein de l’INP-HB.
Après 2 ans de prépa, j’ai continué à l’ENSEA dans le cycle ingénieur statisticien économiste (ISE), duquel je suis sorti diplômé en 2020. Ensuite j’ai poursuivi un master en finance durable au sein de l’Université Sorbonne Paris Nord que j’ai terminé en 2022.

Ce qui m’a orienté vers la finance durable c’est tout d’abord la curiosité, et l’intérêt que j’ai développé vis-à-vis de ce domaine au cours de mon passage à l’ENSEA. C’est cela qui m’a motivé à continuer mes études bien qu’ayant obtenu mon diplôme d’ISE, avec lequel j’aurais pu déjà travailler.


Y a-t-il eu un moment déclencheur, une rencontre ou un événement qui vous a convaincu de vous engager professionnellement dans la transition écologique ?

Le moment déclencheur a été une conférence à laquelle j’ai eu la chance d’assister quand j’étais en formation ISE. Nous avions participé mes camarades de classe et moi à une conférence sur la finance et le climat au sein des locaux de la Banque Africaine de Développement à Abidjan. Au cours de cette conférence, l’intervenant a parlé de l’urgence climatique et de comment la finance pouvait contribuer à répondre aux défis climatiques. C’est ce jour-là que j’ai entendu pour la première fois le terme « Finance Durable » et que j’ai décidé de me renseigner.


Vous avez travaillé dans différentes structures, du secteur bancaire aux entreprises industrielles. Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre Atlantic Group S.A. en tant que Chef de projets ESG ?

La première motivation était d’intégrer un groupe africain et de surcroit présent dans mon pays d’origine, afin de travailler sur les problématiques ESG.

La deuxième est la composition du groupe ainsi que les perspectives qu’elle offre. C’est un consortium pluridisciplinaire dans lequel on passe de la banque à la cimenterie, de l’assurance au cacao et de la microfinance aux services logistiques… Cette multitude de secteurs m’a fait entrevoir la richesse de l’expérience que je pourrais acquérir.

Aussi, le fait que l’ESG soit un sujet peu développé sous nos tropiques, et donc qu’il existe une opportunité de devenir un acteur majeur du sujet dans le continent avec un tel groupe, m’a particulièrement convaincu.

Découverte d’un métier vert : Chef de projets ESG

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste concrètement votre métier ? Quelles sont vos missions au quotidien ?

Mon métier s’articule autour de 3 éléments : le reporting, la mise en œuvre de la stratégie, la structuration et le financement des projets.

Le reporting est ma mission principale au sein d’Atlantic Group. J’ai la charge de collecter des indicateurs ESG afin de réaliser le rapport de durabilité annuel qui présente les actions menées conformément à la stratégie que nous avons mise en place.

La mise en œuvre de la stratégie ESG au sein des filiales consiste à adapter cette stratégie aux réalités de chaque filiale.

La section projets concernent aussi bien la participation à la construction de projets (industriels ou liés à des actions de la stratégie ESG), que les due diligences ESG nécessaires à la levée de fonds afin de financer nos projets.

Quels types de projets ESG mettez-vous en œuvre ? Et quels sont les indicateurs qui vous permettent d’en mesurer l’impact ?

J’en ai un peu parlé précédemment mais il s’agit autant de la participation à des projets industriels ou financiers, que des projets d’atténuation ou d’adaptation au changement climatique.

Dans les projets industriels et financiers, mon rôle est de m’assurer de la pertinence de leur impact environnemental et social. Et pour les projets d’adaptation ou d’atténuation, il s’agit de la mise en place de projets en vue d’atténuer l’impact environnemental de nos activités, ou pour nous permettre de nous adapter aux impacts liés au changement climatique, ou à la règlementation en la matière.

À quoi ressemble une semaine "typique" dans votre poste, entre stratégie, terrain et reporting?

C’est très difficile de décrire une semaine typique dans mon boulot. Mais on va dire que c’est un condensé de réunions et de séances de travail au bureau, de visites de filiales bancaires ou industrielles pour mieux échanger avec les équipes, et de fichiers Excel et PowerPoint à préparer pour restitution aux équipes ou au top management.

Défis, réalités et perspectives

Quels sont les principaux défis rencontrés dans la mise en œuvre de la stratégie ESG dans un groupe africain ? Y a-t-il des résistances, des freins spécifiques au contexte ?

Le principal défi est de faire comprendre le bien-fondé de la démarche aux métiers. Les résistances rencontrées sont souvent liées au fait que les acteurs ne comprennent pas l’intérêt d’une démarche ESG. Mais une fois que cela est acquis, tout devient plus facile.

Aussi, un frein actuel est le manque de cadre réglementaire et institutionnel fort au niveau de l’Afrique francophone, pour impulser la prise en compte des enjeux ESG au sein des entreprises tant privées que publiques. Néanmoins cela est de plus en plus en train de changer avec la volonté des Etats, notamment en Côte d’Ivoire, au Bénin et à Madagascar.

À l’inverse, quelles opportunités voyez-vous dans l’intégration des critères ESG en Afrique de l’Ouest ? Et quelles transformations cela entraîne-t-il dans les entreprises ?

L’intégration des critères ESG en Afrique de l’Ouest représente une opportunité stratégique majeure pour les entreprises de la région. Elle leur permet non seulement d’accéder à des sources de financement durable, de plus en plus conditionnées au respect de ces critères, mais aussi de se positionner favorablement sur les marchés internationaux, où les exigences en matière de durabilité et de gouvernance sont de plus en plus fortes. Cela entraîne une véritable transformation interne : les entreprises repensent leur gouvernance pour la rendre plus transparente, renforcent leurs mécanismes de gestion des risques environnementaux et sociaux, et s’engagent dans des pratiques plus responsables à tous les niveaux de la chaîne de valeur. On observe également une montée en compétence des équipes sur les sujets ESG, ainsi que le développement d’outils de suivi et de reporting permettant de mesurer l’impact réel des actions mises en œuvre. Au-delà de la conformité, cette dynamique devient un levier de performance et de résilience face aux défis économiques, sociaux et climatiques de la région. Elle offre enfin une occasion unique de créer de la valeur partagée, en intégrant davantage les communautés locales et en contribuant aux Objectifs de Développement Durable.

Quelles compétences clés faut-il développer pour exercer ce type de métier avec succès ?

Pour bien évoluer dans mon métier, je pense que certaines compétences font vraiment la différence. L’adaptabilité, d’abord, parce que les situations changent souvent, les projets bougent, et il faut savoir s’ajuster rapidement. Ensuite, être à l’aise avec les chiffres est super important : que ce soit pour analyser des données, suivre des indicateurs ou appuyer des décisions, il faut pouvoir les comprendre et les utiliser efficacement. La curiosité et l’envie d’apprendre comptent aussi beaucoup, surtout dans un environnement qui évolue vite, avec de nouveaux outils, de nouvelles attentes, etc. Enfin, avoir un bon sens de l’organisation, c’est vraiment la base pour gérer plusieurs sujets en même temps, prioriser, et rester efficace au quotidien.

Le métier, côté pratique

Pour les jeunes qui découvrent cette fonction, quels parcours ou formations recommandez-vous (écoles, spécialisations, certifications…) ?

Il existe aujourd’hui de nombreux parcours académiques, de même que des certifications dans le domaine de l’ESG.

Concernant les formations, je me dois de prêcher pour ma paroisse en parlant du master que j’ai obtenu. Il s’agit du Master DEFIS (Développement Economique et Finance Internationale et Soutenable) de l’Université Sorbonne Paris Nord, qui donne de solides bases dans le domaine. À noter qu’il est 5e au classement 2025 des masters en finance responsable d’Eduniversal.
Outre mon master, il y’a les 4 autres du classement Eduniversal que je vous invite à aller consulter.
Cependant je ne connais pas encore de formations dans le domaine en Afrique francophone.

Pour les certifications, trois (3) me paraissent opportunes : le ESG Certificate de Bloomberg, La certification AMF et le Certificate in ESG Investing du CFA Institute.


Ce poste exige-t-il une double casquette technique et stratégique ? Faut-il aussi savoir vulgariser et embarquer les parties prenantes ?

Absolument, le poste de Chef de Projets ESG demande une double casquette : à la fois technique et stratégique.

Sur le plan technique, il est essentiel de maîtriser les normes ESG, les outils de reporting, et d'avoir une solide compréhension des réglementations environnementales et sociales. Stratégiquement, il s'agit de concevoir et de piloter des projets alignés avec les objectifs durables de l'entreprise, tout en anticipant les risques et en maximisant l'impact positif.

Mais ce n'est pas tout : la capacité à vulgariser des concepts parfois complexes et à embarquer les parties prenantes est cruciale. Cela implique une communication claire, de l'écoute, et une aptitude à fédérer autour d'une vision commune. En somme, c'est un rôle transversal qui combine expertise, vision et leadership pour conduire le changement au sein de l'organisation.

Quels conseils pratiques donneriez-vous à une personne qui souhaite se lancer dans les métiers de la finance durable ou de l’ESG dans le contexte africain ?

Se lancer dans la finance durable ou l’ESG en Afrique, c’est rejoindre un secteur en pleine effervescence, où tout reste à construire et où les opportunités sont nombreuses. Avec l’essor des obligations vertes, des investissements à impact et des politiques climatiques, c’est tout un univers nouveau qui se structure, offrant des perspectives de carrière prometteuses pour les jeunes professionnels.

Pour réussir dans ce domaine, il est essentiel d’avoir une compréhension approfondie des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. La capacité à vulgariser des concepts complexes et à mobiliser les parties prenantes est également cruciale, car il s'agit souvent de sensibiliser et d'engager des acteurs variés autour de projets durables. Enfin, rester curieux, adaptable et engagé est fondamental, car ce secteur évolue rapidement, offrant la possibilité de contribuer activement à la transformation durable du continent.​ Participer à des événements, rejoindre des réseaux professionnels et rester à l’écoute des innovations permet de rester à la pointe et de saisir les opportunités qui se présentent.​

Enfin, quel est le conseil le plus précieux que vous ayez reçu dans votre carrière… et que vous aimeriez transmettre à la génération montante ?

Le conseil le plus précieux que j’ai reçu dans ma carrière, c’est de m’assurer que ce que je fais vaille la peine de se lever le matin. Ce conseil m’a appris à rechercher un sens profond dans mon travail, au-delà des responsabilités quotidiennes. Il m’a encouragé à aligner mes actions professionnelles avec mes valeurs personnelles, ce qui rend chaque journée plus motivante et significative. Cela m’aide à rester engagé et résilient face aux défis, en me rappelant constamment pourquoi je fais ce que je fais.